Cosmétiques naturels : les pièges du greenwashing

 

Avec tous ces divers scandales qui éclatent au grand jour, aussi bien alimentaires que cosmétiques, ne plus nuire à ma santé et ne plus fermer les yeux sur des modes de fabrication douteux deviennent ma priorité. C’est dans cet état d’esprit que je découvre la marque Le Petit Olivier, positionnée comme le « partenaire nature de la grande distribution » : une gamme complète de produits cosmétiques à la portée de tous. A première vue il s’agit de la solution idéale, mais peut-on réellement avoir confiance ?

L’idée première était de revoir quelque peu ma façon de consommer – j’ai toujours été sensible à l’environnement et aux animaux, c’était donc un choix logique que de me tourner vers des produits plus naturels et respectueux. Je ne m’attendais certainement pas à une telle multitude de découvertes en prenant cette simple décision écoresponsable.

 

Mon premier contact avec Le Petit Olivier s’est traduit par le choix d’un gel douche – un format de 750ml dans un flacon pompe. C’est vraiment ce détail qui m’a interpelé en premier lieu. Vivant en couple, je trouvais plus économique et écologique de partager un gel douche grand format distribuant la juste dose de savon. Convaincue par le côté pratique, je poursuis donc ma quête du produit « responsable » en regardant de plus près le descriptif du produit.

On trouve ces engagements au dos du flacon:

– Fabriqué en France
Inutile de faire le tour du monde pour fabriquer du savon, non ?

– Contre les tests sur les animaux
Il me semble inconcevable qu’il soit encore possible de pratiquer de telles tortures sur les animaux dans les laboratoires à notre époque.

– Ne contient aucune matière animale
Une seule question demeure, pourquoi en utiliser encore ?

– Sans paraben, sans phénoxyéthanol, sans colorants
Réduire l’utilisation de produits chimiques qui chaque jour se découvrent de plus en plus cancérigènes.

C’est le jackpot, toutes mes conditions réunies dans un produit : j’achète la crème douche extra douce au lait d’amande !

A l’utilisation, une odeur agréable, une bonne mousse et très pratique grâce à la pompe. Nous l’avons tout de suite adopté ! Vous me direz certainement que ce n’est pas le seul produit disponible en grand format et sans paraben, c’est vrai, mais je vous défie de trouver en grande surface un produit qui ne pratique pas de test sur les animaux ! Bon courage. Emballée par le parti pris de la marque, je me laisse tenter par quelques autres produits dont je vous parle aussi un peu plus bas.

Ma démarche était très spontanée, comme pour la plupart d’entre nous, je ne vais pas préparer en amont mon achat de cosmétiques – les étiquettes attractives et leurs slogans avaient toujours été mon critère de choix ! Je décide donc d’en apprendre un peu plus sur la marque :

« La vision de deux passionnés, Eric Renard et Xavier Padovani, qui créent en 1996 La Phocéenne de Cosmétique. Notre marque unique, Le Petit Olivier, est rapidement devenue le partenaire nature de la Grande Distribution. Notre raison d’être est de restituer les bienfaits naturels dans des produits d’hygiène et de soins corps et visage de qualité et accessibles à toutes les femmes ».

Leur idée est simple : une société engagée dans une démarche de développement durable qui préserve son environnement (emballages recyclables, pas d’utilisation de produits d’origine animale) tout en préservant les traditions du savoir-faire territorial (7 PME françaises sous-traitantes) en fabriquant des produits de qualité puisant dans les bienfaits originels de la nature (olive, argan, karité et argile) dans le but de « devenir l’Occitane de la grande distribution ».

En tant que nouvelle écocitoyenne responsable, je suis conquise par la philosophie de cette entreprise mais, puisque la philosophie commerciale nous pousse généralement à la méfiance, je décide d’approfondir encore plus mes recherches et d’étudier la liste des ingrédients – bien plus explicite que des mots. En effet, une loi impose aux fabricants de lister la totalité des ingrédients qui entrent dans la composition des produits cosmétiques, il s’agit de la liste INCI (International Nomenclature of Cosmetic Ingredients). En revanche, pour toute personne normale, et par normale j’entends non experte en chimie et langage codé, je ne comprends absolument rien aux termes des composants… Heureusement il existe un site, La vérité sur les cosmétiques de Rita Stiens, qui permet à tout novice comme moi, de rechercher ces ingrédients et de découvrir leur description ainsi que leur estimation de toxicité à l’aide de code couleurs (allant de 3 smileys verts pour  « très bien » à 3 smileys rouges pour « déconseillé »). Il est même possible de créer vos propres listes pour chacun de vos produits, comme illustré ci-dessous.

Voilà, la désillusion !!!

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Je sais, grâce à la liste INCI, que les ingrédients sont inscrits dans l’ordre décroissant d’importance dans la composition (sauf les ingrédients dont la concentration est inférieure à 1% – ils peuvent être inscrit dans le désordre, à la suite des ingrédients dont la concentration est supérieure à 1%). Les 5 premiers ingrédients représentent environ 70% de la composition totale. Sans surprise, l’eau se situe à la première place mais la seconde et la quatrième position sont occupées par deux produits potentiellement dangereux et nocifs pour la santé : Sodium Laureth Sulfate et Disodium Laureth Sulfosuccinate. En sixième position, Laureth-2, fait également partie des ingrédients non recommandés. En conclusion, trois des six principaux ingrédients sont nocifs !

Concrètement, que sont ces ingrédients ? Comme indiqué dans le tableau ci-dessus, il s’agit de tensioactifs, utilisés pour leur pouvoir lavant et moussant.

« Les sulfates sont des tensioactif très irritants et desséchants pour la peau et les muqueuses, pouvant causer des dermites, des ulcères aphteux ou des difficultés respiratoires. Leur utilisation fréquente élimine la barrière naturelle de la peau et du cuir chevelu, laissant ainsi pénétrer plus facilement les autres composés des cosmétiques dans le corps. Ils favorisent également les pellicules. Côté environnement, ils sont toxiques pour les organismes aquatiques.
D’autre part, le Sodium Laureth Sulfate est non seulement un sulfate dangereux mais fait partie également des composés éthoxylés, c’est-à-dire ingrédients cosmétiques fabriqués par éthoxylation. Le principal problème des composés éthoxylés est leur processus de fabrication. Ils sont fabriqués à partir d’oxyde d’éthylène, un gaz très réactif, extrêmement toxique, cancérigène et mutagène et utilisé comme arme chimique. C’est un processus très lourd, nécessitant des températures et pressions extrêmes, des consignes de sécurité très strictes et bien sûr, c’est très polluant. Après transformation, il ne reste normalement pas d’oxyde d’éthylène, mais il est possible qu’il y ait une contamination au dioxane, substance irritante et classé cancérigène possible. Les composés éthoxylés ne sont que peu biodégradables et sont interdits dans l’utilisation des cosmétiques bio ».

Ce gel douche dont je vantais les mérites s’avère finalement moins vert que son nom. Vous pensez que c’est fini ? Vous trouverez encore une dose de Parfum (Fragrance) dans la liste de ses composants. Je vous explique les dangers ?

« Les phtalates sont des solvants dérivés de la naphtalène (produite à partir de goudron ou de pétrole). Ils sont utilisés dans les cosmétiques comme plastifiants (vernis à ongles), pour dissoudre d’autres substances sans les modifier ou comme parfum. Dans ce dernier cas, leur présence dans le cosmétique est dissimulée sous le nom de « parfum » ou « fragrance », ils n’apparaissent donc pas clairement dans la liste INCI. Ils ne s’accumulent pas dans l’organisme, mais ils sont des perturbateurs endocriniens pouvant provoquer une baisse de la fertilité, des malformations des organes, l’obésité, une puberté précoce, des cancers du sein et des testicules. Ils sont nocifs pour l’environnement ».

J’avais également acheté un Shampooing soin pour cheveux secs et abîmés aux huiles d’olive, karité et argan, formule sans paraben. Jugez par vous-mêmes, le résultat est une fois de plus frappant.

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La présence des huiles n’est en réalité qu’une illusion lorsqu’on voit que l’huile d’argan (réparatrice) n’apparaît qu’en 8ème position, suivie par l’huile de karité (protectrice) en 9ème place et enfin l’huile d’olive (nourrissante) en 10ème. Leur quantité est bien trop faible pour nous apporter ses vertus. Les solvants chimiques sont prédominants, et petite nouveauté, des silicones et des thiazolinones (Methylisothiazolinone, Methylchloroisothiazolinone). Pour la petite histoire, les médias avaient décidé d’attaquer principalement le paraben et le phénoxyéthanol comme étant toxiques mais ces ingrédients ont aujourd’hui été remplacés par les thiazolinones, allergisants et libérateurs de formol, permettant ainsi aux grandes marques de surfer sur la tendance du « sans paraben », « sans phénoxyéthanol » pour tromper le consommateur. Heureusement, de plus en plus de médias décident de relayer l’information pour dénoncer ces pratiques comme vous en témoigne cet article UFC que choisir.

Vous pouvez retrouver plus de définitions sur les ingrédients à éviter dans les produits cosmétiques en consultant cet article du site Les carnets de Tinuviel que je trouve très complet.

Concernant un démaquillant yeux aux extraits de feuilles d’olivier et huile d’olive pour lequel j’avais également craqué, un tableau représentant les ingrédients ne me serait d’aucune utilité. En effet, pour comprendre l’ingrédient C13-15 Alkane, en deuxième position après le classique Aqua, il a fallu que je fasse une recherche Google. Et la première proposition à s’afficher est… l’entreprise pétrolière TOTAL ! Eh oui, l’ingrédient principal de ce démaquillant est un émollient issu de la pétrochimie.

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Finalement, il y a une bonne raison à ce que les ingrédients ne figurent pas sur le site Internet officiel. Par exemple, si on fait une recherche pour la fameuse crème douche au lait d’amande, on trouve seulement dans la catégorie « Composition » un ou deux termes plus ou moins neutres qui ne veulent rien dire. Comme vous pouvez le constater ci-dessous, celle-ci indique : extrait naturel, formule sans savon, sans colorant… J’imagine que les ingrédients ne sont peut-être pas assez en adéquation avec l’esprit « nature » du site pour pouvoir être indiqués. Voilà donc un concret exemple de greenwashing (expression désignant un procédé de marketing utilisé par une entreprise dans le but de se donner une image écologique responsable). Malheureusement, nombreuses sont les marques qui utilisent ce procédé…

 

Lorsque j’apprends tout ceci, je me demande maintenant comment est-il possible d’écrire « Formule hypoallergénique » ou « Testé dermatologiquement » sur l’emballage ? Les formules, les labels ne veulent-ils rien dire ? Comment pouvons-nous être protégés en tant que consommateur ? Il n’y a qu’une réponse possible : prendre le temps de la réflexion et de la recherche. Le seul vrai moyen de comprendre ce qui se trouve dans votre produit est d’en étudier sa liste INCI. Les enseignes cherchent justement à nous décourager en rendant la vérité si complexe à trouver afin de nous vendre leurs produits néfastes, car si cela se savait, qui souhaiterait encore les utiliser ? C’est dans cet objectif que j’ai pris la décision de faire cet article afin de vous aider à ne pas tomber dans le même piège de débutant que moi. En fin de compte, un achat de cosmétique se prépare, à moins de comprendre ses composants.

Nous soulevons d’ailleurs le problème des labels. N’y a-t-il pas un label pour les enseignes qui n’effectuent pas de test sur les animaux ? Si, mais il faut encore rester prudent. Tous ne demandent pas les mêmes conditions à l’obtention. Le mieux reste de se fier au label HCS ou Cruelty Free car d’autres, comme One Voice, autorisent par exemple les tests sur les marchés étrangers… Il faut savoir que lorsqu’une marque de cosmétiques souhaite exporter ses produits sur le marché chinois, la Chine leur impose au préalable des tests sur les animaux. Vous comprenez maintenant pourquoi il est préférable de s’abstenir de consommer des produits cosmétiques distribués chez eux. Il est plus facile de comprendre les différents labels grâce à ce tableau :

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Le Petit Olivier, dans ses engagements, écrit :
« Le Petit Olivier s’est toujours opposé aux tests sur les animaux »
« Le Petit Olivier est contre les tests sur les animaux »

Très longtemps controversé sur la blogosphère en raison d’ambiguïtés sur le label témoignant de cet engagement (certifié HCS jusqu’en 2012 puis rumeurs de perte du label – aucune annonce officielle). L’apparition récente du label One Voice sur les emballages va finalement mettre fin aux doutes. En effet, comme l’enseigne n’exporte pas ses produits en Chine, il n’y a donc pas de risque de ce côté là et cela nous apporte la garantie que le produit et les ingrédients ne sont pas testés.

Je suis vraiment surprise de l’ampleur que prend mon virage vers la consommation responsable et de l’implication personnelle qu’elle nécessite. La moindre information trouvée est à vérifier par ses propres soins. Il y a de quoi en décourager plus d’un ! Mais je n’abandonne pas, avec mes quelques outils et informations complémentaires en poche, je repars examiner à la loupe d’autres produits de la marque afin de bannir définitivement, ou non, Le Petit Olivier de ma salle de bain. Rassurez-vous, tout n’est pas perdu !

Le voici, le produit tant convoité : Pâte d’argile verte – à moins de 4€.

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Le premier ingrédient est bien de l’argile verte, habituellement c’est l’eau qui occupe cette place ! Quatre ingrédients en tout dont trois sur quatre avec des notes maximales. Deux ingrédients naturels et deux conservateurs. Les conservateurs font partie des « doux » autorisés notamment en cosmétique bio. Non seulement le produit est respectueux, ce produit est devenu le chouchou de mes masques. Il resserre les pores, affine le grain de peau, absorbe le sébum et clarifie le teint. Une fois rincé, une sensation mentholée recouvre le visage et il est comme lissé. J’ai réussi à éveiller la curiosité de mon homme qui a décidé de l’essayer, maintenant il en est devenu addict lui aussi. Ce masque peut également être utilisé sur le corps et les cheveux.

Bien entendu, il y aura toujours des personnes pour décrier la présence des conservateurs mais je ne peux leur répondre qu’une chose : il y a des conservateurs meilleurs que d’autres. Un produit sans conservateur est un produit fabriqué par ses propres soins. Il s’agit là d’un véritable choix de mode de vie.

La gamme bio à l’huile d’argan n’est pas mal non plus. Voici la composition de la crème de jour défense naturelle :

tableau crème argan bio

 

C’est un quasi sans-faute pour un produit pourtant proposé en grande surface et pour un rapport qualité/prix très correct. Sur les 5 premiers ingrédients principaux, 3 sont d’origine végétale (4 avec l’eau) et les autres ingrédients sont soit « doux » soit d’origine végétale ! Je dis quasi sans-faute en raison de la présence des huiles synthétiques (Decyl Oleate et Dicaprylyl Oleate qui sont des huiles estérifiées dont je vous parlerai plus en détail dans le prochain article).

Pour ma part, je suis très satisfaite par cette crème fluide et légère, qui ne colle pas, qui ne laisse pas de film gras sur la peau et qui pénètre instantanément, j’aurais pu lui rester fidèle très longtemps. Mais voilà que je découvre une première surprise en allant la renouveler : le label Cosmébio a disparu. J’ai pu trouver des éléments de réponse sur un forum.

forum petit olivier

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Très bien, je comprends la situation, je compare les deux compositions et effectivement aucun ingrédient n’a été modifié. Mais peu de temps après, annonce officielle sur le compte Facebook Le Petit Olivier : arrêt de la gamme bio au profit de la gamme à l’huile d’argan « qui offre tout autant de qualités »…

Facebook petit olivier

 

Je peux déjà vous l’affirmer, c’est faux ! La nouvelle gamme, qu’elle soit à l’huile d’argan ou à l’huile d’olive a été « enrichie » en silicones (Dimethicone, Cyclopentasiloxane, C 30-45 Alkyl Methicone…) et autres solvants chimiques issus de la pétrochimie (PEG-, Butylene Glycol, Pentylene Glycol, Ceteareth-…). Quel dommage, retour à la case départ !

 

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Quand je regarde sur Internet les différents avis concernant les cosmétiques, je les trouve trop tranchants. Cela se résume en général à un public non averti contre vegan : « Oui, j’utilise c’est naturel », « Non, je n’utiliserai pas, on ne peut pas leur faire confiance ». Il existe pourtant un milieu, c’est-à-dire des personnes qui souhaitent consommer mieux sans pour autant tomber dans l’extrême et, plus difficile encore, sans dépenser une petite fortune. Effectivement, la grande majorité des produits d’hygiène de la grande distribution est à bannir, il n’y a rien de naturel ni de qualitatif – il faut se tourner vers les magasins bio car mêmes les pharmacies et les grandes marques de luxe réservent leur lot de surprises. En revanche, côté soin du corps et visage, il est encore possible de tomber sur quelques perles rares comme la Pâte d’Argile Verte Le Petit Olivier ou la Lotion Micellaire Nettoyante à l’Aloe Vera chez So’Bio Etic – il faut simplement prendre le temps de bien chercher en étudiant la liste INCI. Il ne s’agit pas ici de faire le procès d’une marque car malheureusement elle n’est pas la seule à surfer sur la tendance du greenwashing : Yves Rocher, Le Petit Marseillais, l’Occitane,The Body Shop et tant d’autres en sont de parfaits exemples. Tous auraient pu servir d’illustration pour cet article mais moi je me suis fait piéger par l’emballage attractif et «  green » Le Petit Olivier. Je trouve vraiment dommage que cette PME qui se donne les moyens de fabriquer des produits éthiques (pas de tests sur les animaux, pas d’utilisation de matières animales, produits made in France – avec même leur propre moulin pour la fabrication des huiles ! – des engagements qui sont très louables !) ne mène pas son combat jusqu’au bout en utilisant encore des ingrédients trop chimiques et nocifs pour notre santé et notre environnement. Je continue au fur et à mesure à remplacer mes anciens produits par de nouveaux plus naturels mais en piochant dans différentes marques. Je reviens donc vers vous rapidement avec un nouvel article pour vous faire partager mes nouvelles safe découvertes.

J’espère que ma mésaventure vous aidera à mieux consommer et maintenant que vous êtes prévenus, sortez vos outils et faites votre choix ! Pour cela, dernière petite astuce : dans la liste INCI, les noms latins sont d’origine végétale et les noms anglais d’origine chimique donc un produit composé majoritairement de termes anglais aura plus de chances d’être nocif pour votre santé…